Pour Sylvain Grisot (EuroMBA 17) il va nous falloir laisser des choses de côté

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  • Le 13 septembre 2021
Il va nous falloir laisser des choses de côté.
C’est désormais clair, on ne s’en sortira pas juste en pissant sous la douche, en interdisant les cotons-tiges en plastique et en misant tout sur l’avion à hydrogène (vert bien entendu). Il nous faut donc accélérer l’achèvement du XXe siècle pour enfin commencer à répondre sérieusement aux enjeux de celui-ci. J'aime bien parler de ce triple A du changement. Ils sont trois et pas un ne doit manquer. Le premier A pour « adapter ». C’est la somme de ces transformations nécessaires de nos pratiques individuelles et collectives : produire plus propre, construire moins sale, moins s’étaler, jeter moins, voler peu, faire plus de vélo, construire moins de SUV, manger moins de viande… autant de changements à accepter, organiser et pérenniser. Pas simple, mais pas mystérieux non plus : on sait ce qu’il nous reste faire, et on a même (un peu) commencé.

« Adopter » ensuite, c’est le deuxième A, et ça on sait très bien faire. Enfin, on maîtrise bien le début du processus : du plus petit service compta au sommet de l’Etat, nous produisons un volume considérable de plans d’action plein de nouvelles choses à faire sous Excel©, PowerPoint©, Post-it© ou Velleda©. C'est sans doute une part mesurable du PIB tant cela mobilise de ressources en séminaires de hauts niveaux et consultants de tous poils. Mais pour mettre en œuvre et évaluer ces actions, c’est autre chose. Car nous n’avons pas le temps, pas la place pour nous engager dans de nouvelles voies. Il manque en effet le troisième de A, pour « abandonner ».

Que laisse-t-on de côté pour faire de la place ? Quels sont les renoncements nécessaires pour pouvoir engager les grandes transformations ? Ce n’est pas qu’une question de grands projets soudainement devenus inutiles. Pour nous faiseurs de villes, c'est aussi celle du quotidien qui est questionnée : arrêter de construire ce nouveau contournement routier, d’aménager ce lotissement, d'étendre ce parc d'activité, d’acheter des canons à neige, de renforcer cette digue, d’arroser ce golf, de construire ce nouvel équipement public... Ce n’est pas toujours dans l’addition que sont les solutions, mais aussi dans la soustraction. Ne pas faire et même défaire est sans doute nécessaire pour avancer vraiment. Pousser cette « écologie du démantèlement », même si manifestement les « dé- » ont du mal à passer en ce moment — preuve qu’ils posent de bonnes questions.

Alors faut-il tout arrêter ? Certainement pas, mais faire le tri entre ce qui relève du siècle qui s’achève et ce qui est à la hauteur de celui qui s’ouvre. Nous n’avons pas besoin d’images de synthèses pour rêver la ville du futur, elle est déjà là : 80% de la ville de 2050 nous entoure déjà. Une ville qui est moins à construire qu’à réparer pour répondre à nos besoins futurs comme aux enjeux du siècle, mais pour cela il faudra en laisser des choses derrière nous.

Sylvain Grisot (EuroMBA 2017) est urbaniste (circulaire) et fondateur de dixit.net, agence de conseils et de recherche urbaine. Il est basé à Nantes.
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